Entretien à trois (extraits sélectionnés):
Ly Dumas : Tout au long de nos années d’amitié, c’est, plus encore que votre collection, votre attachement manifeste à l’Afrique qui m’a particulièrement touchée. Pouvez-vous apporter quelques éclairages sur l’origine de cet intérêt ?
Michèle Wizenberg : (…) Et quand j’ai rencontré David la première chose qui m’a sauté à la figure c’était un grand portrait de Patrice Lumumba sur un mur de sa chambre.
David Wizenberg : Oui, c’était une affiche éditée par la FEANF, l’association des étudiants venus de divers pays du continent africain. (…)


Michèle Wizenberg : (…) Ensuite, bien sûr, depuis un bon quart de siècle, nous avons pu aller nous- mêmes assez régulièrement sur le continent africain. Cela nous a donné l’occasion, par exemple, de contribuer financièrement, aux côtés d’une entreprise française et d’un ami camerounais, à l’édification d’un centre de santé à Foumbam. Cette dernière opération a modifié profondément nos liens dans la région concernée : relations avec des personnalités officielles comme avec des notables des royaumes coutumiers, accès en amis dans des cérémonies, des lieux réservés, des collections privées.
Ly Dumas : (…) la situation reste quand même globalement très injuste. (…) En tout cas une politique de restitutions est nécessaire et ne constitue pas une menace pour les collectionneurs privés.
David Wizenberg : (…) Certaines restitutions sont certainement souhaitables, mais une injustice plus grande est que l’Afrique soit le seul continent qui n’a pas de musée d’art universel. On doit se réjouir qu’enfin le monde puisse voir l’art africain, mais il faudrait aussi que les africains puissent voir l’art du monde. Cette situation résulte de la façon dont le continent a été traité dans l’histoire, ce qui impose à la communauté internationale, en ce XXIe siècle, la responsabilité d’y contribuer collectivement. (…). Mais ce que nous avons pu faire nous oblige à rester modestes au vu de l’admirable effort d’aide que, avec Frédéric, vous apportez depuis des lustres. Nous avons appris que tu as même reçu à cet égard le titre de Chevalier de l’Ordre du Mérite Camerounais. On peut en parler un peu ?
Ly Dumas : Le tournant a été, en 2002, la création de l’ONG Fondation Jean-Félicien Gacha, dénommée en mémoire de mon père, disparu 30 ans plus tôt (…). Et puis, moi aussi je m’intéresse à l’art : j’ai une belle collection de tissus africains ainsi que d’autres objets, comme vous savez. D’ailleurs vous avez participé activement avec nous à l’ouvrage sur le Ndop.
David Wizenberg : (…) Ni ethnologues, ni sensibles aux critères du marché, ce qui nous motive c’est la découverte d’œuvres d’artistes authentiques. Ceux qui aiment chiner, c’est notre cas, savent qu’il n’existe pas de formule privilégiée pour faire une trouvaille : en galerie ou à l’occasion d’enchères, dans des foires internationales ou sur de petits marchés, chez d’autres collectionneurs, en Europe ou en Afrique.
Se centrer ainsi sur la dimension esthétique ne nous conduit pas toutefois à exclure d’autres approches des objets traditionnels africains. C’est pourquoi nous avons proposé à plusieurs de nos amis d’apporter ici leurs contributions sous forme d’articles témoignant de regards autres, historique, technique, ethnologique… selon leur choix. Il nous a semblé important que cet ouvrage soit constitué d’un tel équilibre.

… entretien de 6 pages à retrouver dans l’ouvrage AFRICA, de la tradition à l’œuvre d’art